On ne présente plus Jacques Villeneuve, le frère de Gilles Villeneuve et l’oncle de l’autre Jacques Villeneuve. Pourtant sa vie bien remplie mérite d’être rappelée. Et l’intronisation au Snowmobile Hall of Fame américain est un honneur qui souligne la carrière internationale du pilote né le 4 novembre 1953 à Berthierville, et résident de Saint-Cuthbert.
Bien sûr, quand on a un frère champion de Formule 1 chez Ferrari, l’ombre est grande. Pourtant son palmarès est enviable et sa carrière a duré 47 ans. Elle a débuté en 1969 quand il avait 16 ans, à Berthierville, le berceau de la famille. Elle s’est terminée au Grand-Prix Ski-Doo de Valcourt en 2016. Entre temps, il a été le premier à être couronné trois fois champion du monde de motoneige sur ovale à Eagle River, le temple de l’ovale sur glace, en 1980, 1982 et 1986. Il a gagné 3 fois le Grand-Prix de Valcourt en 1986, 2005 et 2006. Il a été deux fois champion Eastern Pro-Tour, en 2005 et 2006. À 53 ans, il gagnait devant des jeunes de 20 ans, et à 63 ans, il était toujours dans la course !
Sa relation avec Ski-Doo, débutée en 1979, a duré 39 ans. En 1974, il avait rejoint son frère dans l’équipe d’usine d’Alouette pour participer à des courses sur ovale. Comme Gilles, il s’était inscrit en course automobile dès 1976. Il obtenait le titre de recrue de l’année dans le championnat Honda Civic, puis le championnat en 1977. Puis en 1978, il débutait en monoplace dans la Formule Ford, et terminait deuxième de la série Jim Russell. C’était ensuite le titre de recrue en Formule Atlantique. Il gagnait ce championnat deux années consécutives en 1980 et 1981.
Les portes de la Formule 1 s’ouvraient à lui, mais il ne passait pas le stade des qualifications au volant de son Arrows, à Montréal et au Grand-Prix des États-Unis, à Las Vegas. En 1982, année du décès de son frère sur le circuit de Zolder, il se rabattait sur le championnat américain CanAm 2 litres. Il prenait la deuxième place et gagnait le titre l’année d’après, en 1983. De 1984 à 1986, il s’engageait dans la série CART Indycar avec l’équipe de course Canadian Tire. Il prenait la pole à Phoenix, établissant un record du monde de vitesse au passage. Il était moins chanceux à Indianapolis où il devait déclarer forfait. À Elkart Lake, dans le Wisconsin, il devenait le premier canadien à gagner une course dans ce championnat en 1986. Sa carrière automobile s’est arrêtée en 1993. Il s’est également particulièrement illustré en remportant des « pole positions » sur des circuits comme Mont-Tremblant ou Trois-Rivières. Il était souvent aux avant-postes et il a gagné une course au GP3R.
Dans le même temps, il courait en motoneige avec le succès qu’on lui connait. C’était un metteur au point efficace sur la glace et il a su évoluer avec la modernisation des engins. Dans le début des années 70, les machines avaient des ressorts à lames. Puis les Formule 1 des motoneiges possédaient des doubles chenilles. Les 440 qu’on connait encore sont arrivées dans les années 2000. Il ne faut pas croire qu’à la fin de son règne, Jacques Villeneuve changeait de monture chaque année. Il entretenait et réglait son véhicule avec une équipe réduite. Sa conduite a été aussi agressive au début qu’à la fin de sa carrière. Ce qui lui a valu quelques avertissements. Comme en 2016, il recevait un blâme pour conduite dangereuse, alors qu’il était plutôt aveuglé par un brouillard créé par les chenilles sur la glace, appelé «fiume». Mononc n’était pas content et avait ressenti cela comme une injustice.
Il nous a également gratifié de sorties de piste mémorables, accompagnées de multiples fractures. Bassin, jambes, hanches, vertèbres, ses os s’en souviennent.
En 2008, il avait subi des fractures au bassin et à une jambe dans une course au Wisconsin, ce qui ne l’avait pas empêché de gagner le championnat en 2009.
En 2010, il avait été projeté en l’air et évacué en hélicoptère de Valcourt. Mais il s’était échappé de l’hôpital, car le championnat était à portée de main.
En 2013, on craignait pour sa vie après un accrochage en courbe à Valcourt qui lui valait un poumon perforé et encore des fractures multiples à une jambe.
En 2014, il était diagnostiqué d’un cancer, mais il le combattait comme le champion qu’il est encore aujourd’hui, et il prenait le dessus sur la maladie.
En 2015, il annonçait sa retraite par amour pour sa femme Céline, mais il venait quand même en 2016 courir à Valcourt. La vente de sa motoneige et de sa remorque atelier marquait alors la fin de la compétition. C’est un collectionneur du Wisconsin, Brad Warning, qui a racheté ces morceaux d’histoires qui seront certainement exposés dans un musée, un jour prochain. Brad était connu depuis longtemps de la famille, et il avait été un commanditaire pour Gilles Villeneuve à ses débuts.
Jacques voulait continuer l’aventure en devenant le mentor et préparateur moteur d’un jeune pilote prometteur, Steven Marquis, dont il appréciait le pilotage et la ténacité. Mais l’association ne s’est pas concrétisée après un essai à Valcourt en 2017.
Jacques Villeneuve a fait une apparition dans la populaire émission Tout le Monde en Parle avec Guy-A Lepage. Il s’est illustré avec son débit de voix rapide et son vocabulaire de course imagée. Une invitée française ouvrait de grands yeux, car elle ne comprenait rien au récit de Jacques, à cause de la vitesse de son récit. Le passage télé est encore visible sur Youtube et mérite d’être regardé pour mieux comprendre le personnage.
Mon onc’ n’est pas le seul québécois à avoir reçu les honneurs du Temple de la Renommée de la Motoneige. Son frère Gilles a été intronisé, ainsi qu’Yvon Duhamel, célèbre pilote de moto également, Jacques Desrosiers (le mécanicien d’Yvon) ou Gaston Ferland, qui est le grand-père de Sabrina Blanchet. Marcel Fontaine, le créateur des courses SCM et Eastern Pro sans oublier Joseph-Armand Bombardier sans qui tout cela serait moins populaire.
Le Snowmobile Hall of Fame est situé à Saint-Germain, dans le Minnesota. Un musée dédié à la motoneige et ses pilotes intronisés est à visiter sur place.
Jacques Villeneuve avait déjà été intronisé au Canadian Motosport Hall of Fame en 2001.
Comme son frère, il savait que la mort pouvait l’attendre au tournant. Il l’a longtemps bravée et côtoyée de près. Mais aujourd’hui, sa longévité et sa retraite sont sa plus belle victoire contre cette perfide faucheuse qui a pris la vie de son frère ainé en pleine jeunesse.
Texte: François Cominardi