C’était en France en 1991; évitons tout risque d’interdiction au Québec.
En France, la motoneige de loisir est interdite depuis 1991. Aucun particulier n’a le droit de se déplacer en motoneige. Seules les stations de ski, les services d’urgence, ou les loueurs (dans de mauvaises conditions) ont le droit d’utiliser une motoneige. Les restaurants d’altitudes en station de ski ne peuvent pas transporter leur nourriture ou leurs clients en motoneige. Ils ont le droit avec un hélicoptère ou une dameuse, bien plus énergivore. Peut-on parler d’avancée dans l’environnement? Comment la France en est-elle arrivée là? Quelles sont les dispositions à prendre pour qu’une interdiction n’arrive pas au Québec? C’est l’occasion de se pencher sur la chance d’avoir le droit au Québec de se déplacer assez librement, sur un territoire de 33 000 km. Les sentiers ne sont pas un droit, mais un privilège, à conserver précieusement, c’est l’affaire de tous.
Les faits
Depuis 1988, un importateur officiel importait les Ski-Doo en France, et cela se passait plutôt bien. Les particuliers aimaient les « scooters des neiges » dans les régions montagneuses. Les stations de ski découvraient le travail qu’elles pouvaient réaliser à moindre coût, car elles n’avaient que les dameuses à neige pour se déplacer.
L’animateur vedette Nicolas Hulot créait la compétition Harricana qui était diffusée sur la chaîne de télévision TF1, avec les pilotes vedettes du Paris-Dakar. Cyril Neveu, Hubert Auriol et Philippe Vassard, pour ne citer qu’eux, troquaient le sable du désert pour les neiges du Québec. Les images retransmises aux heures de grande écoute à la télévision servaient grandement l’image de la motoneige au Québec pour les touristes français.
Les Jeux olympiques d’hiver allaient se dérouler à Albertville en 1992. L’importateur, avec l’aide de BRP, avait vendu des Ski-Doo à l’armée française pour l’encadrement des JO. Yamaha de son côté équipait la gendarmerie. La marque Polaris était distribuée également par l’importateur Prinoth qui vendait groupées les motoneiges aux stations de ski qui achetaient des dameuses.
Tout semblait glisser sur des lisses au carbure pour la motoneige. Mais en 1991, la guillotine tristement célèbre en France, reprenait du service. Le couperet tombait sur le droit de rouler en motoneige. Seules les stations de ski, les services d’urgence et l’armée avaient le droit d’utiliser les véhicules. La loi ne s’appliquait pas aux « véhicules utilisés pour remplir une mission de service public. »
La législation française fatidique
La loi 91-2 était écrite de cette façon : « Art. 1er. – En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’État, des départements et des communes. »
Cette loi touchait donc tous les véhicules hors-route, motos et quads compris.
Puis l’article 3 s’attaquait directement à la motoneige : « L’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite. »
Dans un dernier sursaut, les importateurs de motoneige réunis parlaient aux politiciens et ils arrivaient à sauver la location de motoneige. Ils avaient des arguments pour cela. À la fin des années 80, il y avait un manque de neige qui abaissait la fréquentation dans les stations de ski. Le gouvernement avait donné de l’argent public pour sauver les stations, et avait également créé des publicités sous le slogan « La Montagne, Ça Vous Gagne ». L’objectif était de dire qu’il n’y avait pas que le ski comme activité dans les montagnes françaises. Il pouvait y avoir les randonnées pédestres, les restaurants avec la gastronomie locale comme la raclette et la tartiflette. Il n’en fallait pas plus aux importateurs pour rappeler que de nombreux touristes français partaient dépenser leur argent au Québec dans des séjours de motoneige. Ils demandaient de préserver l’activité de location dans les montagnes françaises, pour garder les touristes dans leur pays.
Cette demande était acceptée et rappelée dans une lettre ministérielle en février 1994. Les maires de stations de montagne pouvaient autoriser sous certaines conditions la location dans les stations de ski, sur des petits parcours, entre 17 h 00 et 22 h 00. Mais l’autorisation pouvait être retirée à tout moment par la préfecture régionale en cas de problèmes.
Pourquoi ?
Il faut se rappeler que le marché de la motoneige était très faible en France dans les années 1990. Pour donner un exemple, l’armée française n’avait commandé que 40 motoneiges Ski-Doo. Il n’y avait aucun sentier fédéré. Le climat français était moins enneigé que celui du Québec. La neige était présente uniquement dans les massifs montagneux, mais elle faisait défaut ces années-là.
Le projet de loi déposé par le ministre de l’environnement de l’époque, Brice Lalonde, stipulait que « l’accès à la nature de véhicules à moteur s’accompagne de bruit, de dérangement, de destruction … dès lors que le véhicule à moteur sort des voies et chemins. Pratiqués dans ces conditions, ces sports et loisirs s’opposent à la conservation des milieux …. Et de manière générale à la protection des espaces naturels et des paysages. »
Cependant il nuançait son propos en ajoutant que « Cette mesure n’entravera pas la liberté de circulation de tout possesseur d’un véhicule à moteur, ni même la pratique d’un loisir motorisé. Les conducteurs disposent en effet dans notre pays de 800 000 km de voies appartenant au domaine public routier (non compris les voiries urbaines), de 1 400 000 km de chemins ruraux, d’un kilométrage très important de voies privées ouvertes à la circulation générale. »
C’était faux, puisque les motoneiges, du fait de leur rareté, n’étaient pas immatriculées. Elles n’avaient donc aucun espace pour circuler, à part des terrains privés.
Mais le poids économique du marché était faible. Il n’y avait pas de sentiers prévus, fédérés, reconnus pour les motoneiges, et pas de clubs non plus. Les endroits les plus enneigés avaient un dénivelé important et une pente très accentuée. Il n’était pas rare de voir des motoneiges se renverser et dévaler la pente en tournant sur elle-même. C’est pour cette raison que les modèles professionnels pour les stations sont équipés de barres anti-retournement.
Il est intéressant de connaître la petite histoire qui a déclenché cette interdiction. Un groupe de quatre ou cinq motoneiges passaient tous les samedis et dimanches devant un chalet qui appartenait à un député influent, dans les Alpes. Celui-ci était excédé par le bruit et la fumée des moteurs deux-temps de l’époque (qui ont bien évolué). Il a donc saisi la chambre des députés et a mis le feu aux poudres pour élaborer le projet de loi.
Que peut apprendre le Québec des leçons du passé ?
Il est dit que l’histoire est un éternel recommencement. Alors analysons les erreurs du système français pour qu’elles ne se reproduisent pas ici.
Il n’y avait pas :
- De sentiers fédérés
- De clubs de motoneigistes
- De fédération pour négocier avec le gouvernement
- De retombées touristiques ou économiques
- D’immatriculations sur les motoneiges
Au Québec, tout est en place. Une des valeurs de base est le réseau de sentiers fédérés qui a été imaginé par des pionniers comme Bob Petit. Il a créé le premier sentier Trans-Québec #3, rebaptisé à son nom. Il a initié également la première randonnée de motoneige entre Mont-Laurier et Québec, et mis en place les bases de la FCMQ. La Fédération des Clubs de Motoneigistes du Québec vient de fêter son cinquantième anniversaire, et de nombreux passionnés, bénévoles ou salariés se sont passé le flambeau pour faire avancer cette organisation unique. Elle apporte une opportunité exceptionnelle de parcourir 33 000 km de chemins réservés uniquement à la motoneige.
Comme l’institution existe depuis 50 ans, se déplacer librement en motoneige semble un droit acquis. Il n’en est rien.
C’est un privilège qui demande des efforts à tous les niveaux pour perpétuer les randonnées entre amis, avec les arrêts dans les refuges en cours de route et les paysages diversifiés que l’on rencontre.
Il est essentiel de :
- Respecter les droits de passage offerts par les propriétaires terriens
- Ne pas s’aventurer hors des sentiers fédérés pour ne pas abîmer d’éventuelles plantations.
- Ne pas rouler sans droit d’accès sur les sentiers fédérés
- Être respectueux envers les riverains des sentiers et la population en général
- Donner une bonne image des motoneigistes pour l’acceptabilité sociale
- Ne pas faire de bruit inutile
- Ne pas rouler trop vite, pour ne pas augmenter le nombre d’accidents
- Ne pas passer sa vie à critiquer sur les réseaux sociaux les institutions, les clubs ou l’état des sentiers
- Donner du temps à son club pour sa bonne marche et participer aux réunions et AG
- Être solidaire de la communauté motoneigiste
Ce sont les dix commandements du motoneigiste qui veut que l’activité continue.
Il faudrait également favoriser l’intérêt des plus jeunes générations aux plaisirs de la motoneige et les inciter à s’impliquer. C’est un bienfait pour les clubs, mais aussi pour les jeunes qui vont se trouver valorisés d’aider utilement leur communauté. Ils sont l’avenir de ce sport.
Cela peut paraître directif, mais un seul projet de loi peut changer toutes les données.
Cinquante années ont été complétées, il est temps de maintenir les efforts et de transmettre pour les générations futures.
Photos constructeur: BRP/Yamaha