Le sport est une histoire d’humain. Il faut mettre un visage sur l’athlète qui risque sa vie et qui se bat pour atteindre le Graal, le drapeau à damier libérateur. Drapeau qu’il (ou elle) aura le droit de présenter aux spectateurs pendant son tour d’honneur.
Des visages, il y en a eu par le passé, à commencer par Yvon Duhamel, qui a été l’un des rares pilotes à vivre des sports motorisés toute sa vie et qui a donné son nom au circuit du Grand-Prix Ski-Doo de Valcourt. Il y a eu Gaston Ferland, vainqueur de deux séries mondiales et de tant d’autres. Gilles Villeneuve a toujours ses motoneiges exposées au musée de Berthierville. Et que dire de son frère Jacques Villeneuve. Il a gagné trois fois le titre de champion du monde à Eagle River (1980, 1982, 1986), et trois fois le Grand Prix de Valcourt (1986, 2005, 2006). Il faisait venir les journalistes qui appréciaient ses explications avec son débit de voix aussi rapide que son Ski-Doo, sans oublier des sorties de route spectaculaires.
Tous ces personnages sont à la retraite et le GPSV avait besoin de nouvelles têtes d’affiches pour personnifier la discipline motoneige, aussi bien en ovale qu’en snocross.
« La Femme est l’avenir de l’Homme » écrivait le poète Aragon, en 1963. La prophétie s’est réalisée et ce sont deux jeunes femmes qui portent l’étendard de la compétition en 2020.
Les Ginos et les machos vont peut-être grincer des dents, mais Sabrina Blanchet et Megan Brodeur sont les seules à avoir été invitées sur des plateaux de télé comme Denis Levesque ou Dave Morissette à TVA sports. Et les trois personnes employées par l’association sont des femmes, avec à leur tête Véronique Lizotte. Il y a derrière elle un solide conseil d’administration et 230 bénévoles pour faire tourner la machine qui accueille 30 000 visiteurs sur trois jours. L’important est que le Grand-Prix continue à avancer, après 38 éditions, avec un mélange de personnes d’expérience et de sang neuf pour le réinventer.
Steven Marquis fait également partie de la nouvelle génération des courses ovales. Son team avait racheté une partie des motoneiges de Mononc Jacques, puis a encore investi dans la mécanique. Il commençait à approcher le top 5 dans le Pro-Champ, et c’était le seul québécois à se présenter dans la nouvelle classe Formule-III, réservées aux motoneiges 4 temps modernes, modifiées par les constructeurs. Cette catégorie est l’avenir, car elle est plus économique et les moteurs récents à injection sont plus écologiques.
Malheureusement, la saison de Steven a été stoppée nette par un bris de chenille qui l’a éjecté de l’engin en pleine course. Heurté par sa machine, il a été conduit à l’hôpital où il a été diagnostiqué avec un affaissement de 3 vertèbres, une commotion et des blessures aux jambes. S’il revient dans le circuit l’an prochain, Steven fera partie des porte-paroles de la discipline à l’avenir.
Revenons sur l’ovale où flottait une odeur d’huile brûlée caractéristique du 2 temps à carburateurs. Un vestige du passé en voie de disparition, mais porteur de souvenirs pour les anciens. Sabrina Blanchet a fait lever la foule et a réalisé une performance exceptionnelle. Dans la course du samedi, en pro-Champ, la catégorie reine sur l’ovale, elle a réussi à doubler Matt Goede, pour prendre la deuxième position derrière le vainqueur de l’année dernière, Gunnar Sterne. C’était la première fois qu’une femme accédait à cette place. Son grand-père Gaston Ferland, qui lui a offert sa première motoneige à 3 ans, pouvait être fier d’elle. Ainsi que Claude Samson, le propriétaire de l’équipe Samson Racing, qui la suit depuis de nombreuses années.
Le dimanche, elle a déclaré forfait sur bris mécanique. Elle était en mesure de gagner la course-phare ! À 24 ans, elle a encore de nombreuses années pour réussir cet exploit. Elle a d’ailleurs gagné la compétition en Semi-Pro Champ, en devançant Danick Lambert et Andrew Darraugh.
La finale des Pro-Champ a vu la victoire de Matt Goede, un pilote américain qui avait été victime d’un grave accident en 2017. Il a obtenu son premier podium dans cette classe devant le vainqueur de l’année dernière, Gunnar Sterne. Nick Van Strydonk est monté sur la troisième marche du podium. Ce pilote de 30 ans a annoncé sa retraite après 26 ans de carrière, deux titres de champion du monde, et une victoire à Valcourt.
Pour sa part, Nicolas Poudrier a tout remporté dans les classes Semi Pro et Pro Formula 500.
Du côté Snocross, la belle Megan Brodeur a survolé la classe Pro-Dame devant Kim Tremblay. La course ne faisait pas partie du championnat américain ISOC qu’elle a remporté deux fois. Sauf problème technique, personne ne pouvait battre la pilote originaire de Coaticook. Elle est invaincue sur le sol américain également. Âgée de 19 ans, elle est aux études à distance en plus de son activité de pilote officielle Ski-Doo, ce qui lui permet de consacrer du temps à sa préparation physique. Elle peut compter sur l’appui de son père Patrick Brodeur qui était dans la dameuse à Valcourt, et sur sa mère Manon Boutin qui s’occupe de l’intendance et la communication.
Megan Brodeur court également dans le championnat SCMX québécois quand elle peut. Elle s’aligne alors dans la catégorie Pro-Lite, pour prendre l’habitude de rouler «rough», contre les gars qui ne lui font pas de cadeau !
La finale Snocross Pro2 a été remporté par le norvégien Elias Ishoel, un pilote officiel Ski-Doo. Après avoir gagné le championnat suédois en 2014, il a été repéré par Ski-Doo et depuis il participe au championnat américain Amsoil où il a déjà été couronné dans la classe Pro-Lite en 2016. Le second est Francis Pelletier, un québécois de 23 ans engagé dans la prestigieuse équipe Walnert. Il se bat pour le titre ISOC en Pro-Lite. Un pilote à suivre !
Dans le Pro-Lite 2, le pilote de Chicoutimi Jordan Lebel avait une bonne longueur d’avance sur son adversaire de toujours, Emeric Legendre-Perron, et Jérémy Beaulieu.
Cette année, une mini-piste avait été créée pour encourager la relève de 4 à 10 ans. Quelle fierté pour ces jeunes de pouvoir courir dans ce lieu mythique ! Il est certain que de nouvelles vocations se sont déclarées, comme celle de Kingston Gadoury, un pilote de 7 ans qui aime rouler devant !
Dans le grand chapiteau chauffé, la proposition musicale était très variée avec un hommage à AC-DC ou à Bob Bissonette. Sara Dufour et son succès « Chez nous c’est Ski-Doo » ont enflammé la foule traditionnelle tandis que les DJ résidents du Beach Club rajeunissaient l’auditoire derrière leurs platines.
Des touristes PitBull Events du Luxembourg découvraient le Grand-Prix. Ils ont déclaré apprécier la liberté d’approcher les pilotes et les machines. La grandeur de la piste ovale et du circuit snocross les ont impressionnés également, ainsi que toutes les motoneiges de compétition, rares ou inexistantes en Europe.
On ne se rend pas toujours compte de l’importance du Grand-Prix Ski-Doo de Valcourt et il faut des yeux extérieurs pour le souligner.
Tous les résultats se trouvent sur le site Mylaps, https://speedhive.mylaps.com/
Texte: François Cominardi
Photos: Claude Prud’homme, Studio-017